Que sait-on de ces variants ? Quelles questions restent sans réponse ? En quoi leur émergence pourrait-elle modifier la propagation de l’épidémie ?
Des variants qui circulent largement
Comme on s’y attendait, le SARS-CoV-2 évolue au fil des mois. Lorsqu’un virus infecte une cellule, il détourne à son profit la machinerie qu’elle utilise pour produire ses constituants.
Grâce à ce « piratage », l’envahisseur fabrique de très nombreuses copies de lui-même, qui partiront ensuite à l’assaut des cellules voisines.
Mais ces copies ne sont pas toujours conformes : il arrive que des erreurs, ou mutations, surviennent lorsque le matériel génétique est répliqué.
Étant donné que ce dernier constitue le « plan de montage » des futurs virus, ceux qui possèdent un matériel génétique muté seront légèrement différents de l’ancêtre qui leur a donné naissance.
Ces différences peuvent être neutres (c’est-à-dire qu’elles ne changent pas les propriétés des virus), délétères (elles nuisent à leur efficacité) ou bénéfiques (elles améliorent certaines propriétés du virus muté, comme son infectiosité par exemple). Dans ce dernier cas, si l’avantage que possède le virus variant est significatif, il va peu à peu prendre le pas sur les autres à mesure que se déroulera l’épidémie. L’apparition de ces variants est un phénomène naturel d’évolution virale. Il traduit probablement un phénomène d’adaptation du SARS-CoV-2 à la population humaine. C’est la première fois qu’il nous est donné d’observer cette adaptation en temps réel pour un coronavirus.
D’une façon générale, les virus dont le matériel génétique est constitué d’ARN (comme le coronavirus SARS-CoV-2) sont davantage sujets aux mutations que les virus dont le génome est constitué d’ADN. Cependant, en comparaison avec d’autres virus à ARN, le SARS-CoV-2 est relativement stable, car il possède un mécanisme de correction des erreurs. Des variations étaient néanmoins attendues. Elles ont été décrites dès le mois de février 2020. Ainsi, la mutation D614G, décrite au printemps 2020, avait déjà rendu plus contagieuses les particules virales du SARS-CoV-2 qui la portaient. Cette mutation est aujourd’hui présente sur tous les variants.
Plus récemment, le variant « britannique » VUI202012/01 (VUI, pour Variant Under Investigation), détecté en novembre en Angleterre mais dont les investigations ont montré qu’il circulait depuis le mois de septembre, est rapidement devenu majoritaire en Grande-Bretagne, puis est parti à l’assaut du reste du monde. Selon l’OMS, il est désormais présent dans au moins 60 pays et territoires.
Des cas d’infections par ce variant ont notamment été décrits en France, dont certains chez des personnes n’ayant pas voyagé au Royaume-Uni, ce qui suggère qu’il circule déjà sur le territoire français. La France était un pays qui séquençait relativement peu jusqu’à récemment.
Cependant, des résultats préliminaires basés sur les séquences obtenues suite à une campagne de séquençage à grande échelle indiquent qu’1 à 2 % des séquences obtenues correspondaient à celle du VUI202012/01. À ce rythme, les auteurs de ces travaux estiment que ce variant pourrait devenir majoritaire dans le pays d’ici à la fin du mois de février.
Un autre variant détecté en Afrique du Sud en octobre 2020, sur lequel les autorités ont communiqué le 18 décembre, semble-lui aussi se propager rapidement, quoique plus lentement que le variant VUI202012/01. Baptisé 501.V2, il est aujourd’hui présent dans 23 pays et territoires. Le succès de ces deux variants, qui partagent des mutations communes, s’expliquerait par une transmissibilité accrue.
Enfin, un troisième variant inquiète les autorités sanitaires. Détecté au Japon chez des voyageurs en provenance de l’état de l’Amazonas, au Brésil, les données le concernant sont encore parcellaires.
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Que sait-on des mutations portées par ces trois variants ?
Les mutants VUI202012/01 et 501.V2 se caractérisent par une association de délétions et de mutations sur l’ensemble du génome viral, dont une dizaine concernent le gène servant à fabriquer la glycoprotéine d’enveloppe Spike, qui sert de clé au virus pour entrer dans les cellules, en s’insérant dans la « serrure » constituée par un des récepteurs qu’elles portent à leur surface, nommé ACE-2.
Certaines de ces variations de la protéine Spike sont communes aux deux variants. C’est par exemple le cas de la mutation N501Y, responsable de la plus grande contagiosité de ces variants qui diffusent mieux dans la population humaine (on considère que le variant anglais pourrait être de 40 à 70 % plus transmissible).
C’est probablement parce que cette mutation affecte la partie de la protéine Spike qui se lie au récepteur ACE-2 : cette liaison est renforcée chez les variants qui la portent.
Le variant dit « britannique » porte aussi une mutation consistant en la délétion – autrement dit la suppression – d’un morceau du gène de la protéine Spike. Cette délétion entraîne un défaut de détection par certains tests de RT-PCR qui étaient utilisés au début de l’épidémie pour le diagnostic.
Heureusement, les tests actuellement utilisés sont des tests multiplex, c’est-à-dire qu’ils recherchent plusieurs fragments du génome du SARS-CoV-2 dans les échantillons biologiques. De cette façon, si un test ne détecte pas le fragment du gène de la glycoprotéine S du fait des délétions, il détecte d’autres fragments du génome viral qui sont conservés. Les tests de diagnostic restent donc fiables.
Le variant sud-africain est aussi porteur d’une mutation préoccupante, la mutation E484K, qui fait craindre un échappement aux vaccins actuellement développés (elle a notamment été repérée dans des variants qui sont parvenus à réinfecter des personnes qui avaient déjà contracté la maladie).
Cependant, soulignons qu’à ce jour, aucun élément scientifique ne permet de penser que les vaccins en cours de déploiement ne seraient pas efficaces contre ces variants.
Les variants britanniques et sud-africains présentent donc des variations en commun et des différences. Cela signifie qu’ils sont proches. Ils n’ont cependant pas forcément une origine commune : des conditions environnementales similaires auraient pu favoriser l’émergence indépendante de variants portant les mêmes mutations, car ces dernières leur procurent un avantage similaire (en l’occurrence, une meilleure transmissibilité). D’autres études seront nécessaires pour répondre à cette question.
Le variant brésilien détecté au Japon est aussi porteur des mutations N501Y et E484K. Cependant, à l’heure actuelle nous disposons de trop peu d’informations scientifiquement fiables pour pouvoir tirer des conclusions définitives sur les conséquences de l’émergence de ce variant.
Quelles sont les implications de l’émergence de ces variants ?
Contrairement à ce qui a été annoncé initialement, ces nouveaux variants ne ciblent pas une catégorie d’âge en particulier. Ils infectent de la même façon tous les humains.
Cependant, étant donné qu’ils sont plus contagieux, la proportion de personnes infectées est plus importante. Enfants et adultes, nous sommes tous concernés. Ce qui est relativement rassurant, c’est que ces variants ne sont pas responsables de formes plus graves de la maladie.
Une chose est certaine : plus le SARS-CoV-2 circulera au sein de la population mondiale et plus il y aura de variations qui apparaîtront. En effet, la probabilité que des mutations surviennent augmente avec le nombre de virus qui se répliquent, ce qui augmente aussi le risque que certaines de voir émerger des modifications qui compliquent la gestion de l’épidémie. Il est par exemple plus difficile de garder le contrôle de l’épidémie lorsqu’un virus devient plus contagieux.
Pour cette raison, il est primordial de limiter la circulation du virus non seulement par le respect scrupuleux des gestes barrière (port correct du masque, distanciation physique, lavage des mains réguliers, aération des pièces), mais aussi en se faisant vacciner dès que possible.
Enfin, il est important de séquencer régulièrement le génome du SARS-CoV-2, afin de surveiller l’apparition de nouveaux variants.
Anne Goffard, Médecin, Professeure des Universités – Praticienne Hospitalière, Université de Lille
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.